De nos jours, de plus en plus de marques cosmétiques apposent la mention « Cruelty Free » sur leurs produits, mais que se cache réellement derrière cette appellation et quels gages apporte-t-elle aux consommateurs ?
En termes de garanties, la désignation « Cruelty free » s’articule essentiellement autour de trois axes. Tout d’abord, elle exige qu’aucun test animal ne soit réalisé sur le produit fini ou un ingrédient le composant. De plus, les fournisseurs de matières premières doivent être en mesure de fournir une attestation confirmant qu’ils ne pratiquent pas l’expérimentation animale. Et enfin, la marque accepte d’être contrôlée à tout moment par un organisme indépendant.
En effet, en Mars 2013, la décision astreignante de l’Union Européenne concernant l’interdiction de la commercialisation et l’importation dans ses états membres de tout cosmétique ayant fait l’objet de tests sur des animaux a poussé les entreprises cosmétiques à concevoir des méthodes alternatives innovantes pour déterminer la sûreté et l’efficacité de leurs produits.
Ainsi, et afin de vérifier l’innocuité d’un principe actif, des banques de données ou des tests in vitro sont à disposition des laboratoires dermo-cosmétiques. Différents modèles de muqueuses high-tech ou peaux reconstruites ont été conçus à cet effet. C’est le cas notamment des laboratoires Pierre Fabre et l’Oréal Paris, pionniers dans la défense de la cause animale. Étant en possession d’une banque de données riche de plus de 50.000 ingrédients, le groupe L’Oréal, mastodonte du secteur depuis plus de 30 ans, dispose d’un centre Episkin™ à Lyon pour tester la tolérance de ses formulations et la toxicité de ses ingrédients captifs. Pour les nouvelles molécules ne figurant pas dans ce répertoire : le raisonnement par analogie, la modélisation moléculaire et la toxicologie computationnelle constituent des voies alternatives. The Body Shop, quant à lui, a recours aux analyses in silico sur ordinateurs qui permettent de procéder à des vérifications de sécurité sur des cellules réagissant virtuellement de façon identique à la peau humaine. Des tests cliniques épicutanés et des essais contrôlés randomisés sont également envisageables dans ce domaine. Récemment, une prouesse technologique a fait son apparition, il s’agit de la « Puce microfluidique » imaginée par L’Oréal en collaboration avec l’Université Centrale de Floride. Composé de quatre réservoirs de cellules humaines de foie, de rein, de cerveau et de muscle nourris par un liquide circulant dans de petits canaux, ce système prédictif révolutionnaire mimant la circulation sanguine permet une évaluation fiable et robuste de l’innocuité d’une substance active. « L’Homme sur une puce » affirme l’Université de Harvard, une réelle avancée technologique dans ce secteur, en complément du travail gigantesque sur l’exploitation des données de sécurité et de toxicologie menées aux Etats-Unis.
Cependant, la volonté pour une marque de s’engager contre l’expérimentation animale se heurte parfois à la loi de certains pays. La Chine, troisième plus gros marché au monde, oblige de faire tester ses produits sur les muqueuses animales, une condition inévitable pour pouvoir accéder à son marché. Toutefois et à compter du mois de Mai, elle s’est engagée à exempter les produits cosmétiques importés dits « ordinaires” tels que les sérums ou les gommages de tout test animal. Pour cela, les fabricants devront détenir un certificat de conformité aux Bonnes Pratiques de Fabrication afin de prouver l’innocuité des produits exportés. A noter, que la France est l’un des premiers pays à pouvoir le délivrer via l’ANSM. Une décision qui marque seulement le début d’un assouplissement. En effet, les colorations capillaires, les déodorants, les crèmes solaires étant des produits « fonctionnels », non dépourvus d’une activité biologique, seront quant à eux toujours soumis à des tests animaux. Il en est de même pour les produits destinés aux enfants et les substances utilisant de novo ingrédients. Implanté à Shanghai, Episkin™ de l’Oréal est l’entreprise la plus mobilisée aux côtés des autorités chinoises pour mettre un terme définitivement à l’expérimentation animale. Parmi les nombreux labels Cruelty Free : Leaping Bunny et Cruelty Free de PETA sont les plus stricts. Ces labels garantissent que des marques comme Garnier, récemment certifiée, ne commercialisent pas en Chine et qu’aucun produit ou ingrédient entrant dans leur composition n’est testé sur des animaux.
La législation européenne relative à l’interdiction de l’expérimentation animale, loin d’être une utopie absolue, se trouve néanmoins fragilisée par une faille. En effet, le plan REACH, un règlement de l’Union européenne adopté pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement et qui contrôle l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques oblige toute marque à faire des tests sur les ingrédients cosmétiques utilisés en grande quantité en Europe, même lorsqu’il n’existe pas d’alternatives aux tests sur les animaux. Le souci : les expérimentations du REACH sont réalisées sans l’accord des marques donc même si celles-ci s’y opposent, elles n’auront pas le choix !
James ODEIMI
Sources :
- « Cosmétiques cruelty free : comment les marques veulent en finir avec les tests sur les animaux » – Marie Claire
- « Cosmétique Cruelty Free: que signifie vraiment cette appellation? » – L’express
- « Human Organs-on-Chips »- Wyss Institute
- « PIONNIER DANS LA DÉFENSE DE LA CAUSE ANIMALE » – L’Oreal Paris