Comme beaucoup d’autres branches du secteur industriel, les laboratoires pharmaceutiques européens ont amplement été délocalisés en Chine, en Inde, à Taïwan et en Corée. On estime que plus de 40% des médicaments commercialisés en Europe sont produits dans des pays non européens et environ 70% des principes actifs utilisés n’ont pas été élaborés en Europe. Mais après des crises sanitaires comme la récente Covid-19, on cherche à faire marche arrière. Comment rapatrier la production et la recherche pharmaceutique en Europe sans risquer un effondrement économique du milieu ?
Si les laboratoires européens comme Sanofi-Adventis et autres décident de délocaliser leurs locaux en Chine notamment, c’est pour deux raisons principales. La première est que la main-d’œuvre y est moins chère et la deuxième, les normes environnementales leur sont plus favorables. Cela permet de maintenir des prix raisonnables pour les médicaments et autres produits de santé en France. De plus, la délocalisation des essais cliniques participe grandement à l’accessibilité des soins dans ces pays. Le problème de ce genre de démarches, c’est qu’elle rend l’Europe très dépendante du marché asiatique et accroît ainsi le risque de pénurie de médicaments ou de tout autre produit en Europe. D’un point de vue social, la délocalisation du marché engrange une suppression non négligeable d’emplois en France. De plus, la production de médicaments « communs » (non innovants), s’est avérée ne plus être rentable puisque le gouvernement chinois a récemment entrepris d’imposer des politiques environnementales et fiscales plus strictes. Alors, évidemment, des mesures préventives avaient été prises et on imposa un stock minimum obligatoire concernant certains médicaments et équivalent à 9 mois d’approvisionnement. Mais très rapidement, on observe que ce n’est pas suffisant. L’ANSM enregistre 871 signalements de rupture de stock en 2018. Et encore très récemment, le Covid-19 nous a démontré l’incapacité de ce système à subvenir à nos besoins.
Depuis 2019, l’État s’efforce de lancer une vague de relocalisation de l’industrie pharmaceutique. Évidemment, on ne peut pas produire 100% des médicaments au niveau européen à cause du manque de locaux et de financements. Le PDG d’Axyntis, David Simonnet, décide alors de procéder à une relocalisation sélective. Par exemple, il entreprend donc un programme de recherche de principes actifs de médicaments utilisés en réanimation et en oncologie (noradrénaline, adrénaline, fentanyl et propofol) basé à Pithiviers et à Calais en France. Très vite, son projet a plu aux investisseurs et L’État injecte alors plus de 100 millions d’euros dans son projet. Le sentiment d’échec de la délocalisation se généralise et les différents acteurs de l’industrie pharmaceutique s’activent pour trouver des solutions. La députée européenne Nathalie Colin-Oesterlé, par le biais de la Commission Européenne, envisage un nouveau critère de sélection pour les laboratoires producteurs qui assurerait la sécurité d’approvisionnement. Également, l’EUPHA (European Public Health Association) incite l’Union Européenne à renforcer le cadre juridique de la notification de pénuries et souhaiterait obliger les détenteurs d’autorisations de mise sur le marché et les grossistes, à approvisionner le marché.
La délocalisation des industries a mis en marche de nombreux processus et changements à la fois politiques, économiques et juridiques dans le monde de la pharmacie.
Giulia SALS
Sources :
- « La relocalisation de l’industrie pharmaceutique : quels enjeux dans le contexte COVID-19 ? » – Alcimed
- « Relocaliser en France la production de médicaments, c’est possible : « On est compétitifs, y compris face à l’Asie » » – Franceinfo
- « Médicaments : la France veut relocaliser toute la chaîne de production du paracétamol d’ici trois ans » – SudOuest
- « Coronavirus, quand l’Occident manquera de médicaments » – Slate
- « La relocalisation de la production de médicaments en cinq questions » – Les Echos