Les chercheurs ont longtemps pensé que pour restituer la fonction barrière de la peau, il fallait irradier le microbiome cutané. Or une étroite corrélation entre la baisse de la diversité bactérienne du microbiome et la sévérité des symptômes comme l’augmentation de la sécheresse, de l’irritation ou de l’inflammation dans le cas des maladies dermatologiques a été récemment mise en évidence. La dysbiose serait de ce fait définie comme étant une prépondérance de mauvaises bactéries sur les bonnes. « Tout se passe comme un jeu entre les bactéries peu virulentes qui vont empêcher les germes pathogènes de s’installer et les bactéries virulentes qui vont chercher à coloniser le terrain » explique Marc Feuilloley, Professeur et directeur du laboratoire LMSM d’Evreux.
Les bactéries les plus représentées sur notre peau sont les Staphylocoques (epidermidis et hominis) et Cutibacterium acnes. Cependant, toutes les bactéries ne sont pas mauvaises ! Certaines sous-espèces de ces bactéries commensales peuvent s’avérer néfastes et une même souche de bactéries peut, selon les circonstances, produire des effets bénéfiques ou délétères. Suite à une diminution des défenses immunitaires par exemple, des levures ou bacilles transitoires peuvent devenir résidents et perturber la flore cutanée. Aujourd’hui, et grâce à des approches prometteuses, cet équilibre peut être contrôlé afin de favoriser les populations de bactéries peu virulentes.
Tout d’abord les probiotiques topiques : une vraie source de bonnes bactéries. Pour booster leurs bienfaits, des prébiotiques à base de sucres ou de fibres viendront s’ajouter afin de fortifier la microflore de la peau. Ensemble ils constituent les fameux symbiotiques. Viennent ensuite les postbiotiques, dernière étape actuelle dans la connaissance et la maîtrise du microbiote qui font l’objet de nombreux développements. Il s’agit de métabolites issus de souches bactériennes tels que des acides organiques, des peptides, des protéines, des polysaccharides ou même des enzymes aidant à réguler l’homéostasie des bactéries de la peau.
Mais ce n’est pas tout ! Chez les patients atteints de dermatite atopique, le Staphylocoque doré à l’origine de poussées inflammatoires ne reste pas sans rien faire, il adopte une stratégie de survie en protégeant les micro-organismes cutanés des conditions environnementales, afin de favoriser la stabilité de la communauté microbienne. Pour cela, les bactéries s’agglomèrent entre elles en s’associant à des polysaccharides pour former une matrice : le biofilm. Très protégées, elles seront plus difficiles à éliminer. C’est le cas aussi de Propionibacterium acnes dans l’acné, le biofilm lui permet d’acquérir une certaine résistance aux traitements antibiotiques. Différentes stratégies sont à l’étude, comme l’utilisation de bactériophages ou de virus qui élimineraient de façon très sélective les bactéries nuisibles.
Actuellement, quelques start-ups proposent des cocktails de bactéries vivantes pour traiter l’acné ou la dermatite atopique. L’efficacité espérée serait comparable ou supérieure aux antibiotiques et aux corticoïdes. C’est une approche qui s’avère très prometteuse car les antibiotiques suppriment toute la couche de micro-organismes, laissant la peau comme « nue », ce qui constitue une voie d’entrée aux éléments infectieux pour s’implanter facilement. Eligo Bioscience®, une start-up française, financée par le groupe GlaxoSmithKline® développe une crème topique basée sur le séquençage génétique capable d’éliminer des bactéries très spécifiquement. L’objectif étant de couper directement l’ADN bactérien, une thérapie très innovante pour les peaux acnéiques !
Rééquilibrage de la flore cutanée, apport d’une bactérie extérieure pour agir sur le microbiote cutané, réalisation d’un mapping bactérien précis de la peau dans toutes ses localisations, individualisation des soins selon le microbiote de chacun : l’avenir de la cosmétique sera donc bel et bien vivant !
James ODEIMI
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