« Le microbiote fait partie de soi, on a chacun le sien, comme une empreinte digitale », explique Véronique Delvigne, directrice scientifique de La Roche Posay.
La peau représente un écosystème complexe composé d’environ 1 million de micro-organismes/cm2 vivant en symbiose à l’intérieur de l’épiderme et à sa surface. La richesse de ce microbiote est primordiale, elle permet de limiter le risque de colonisation par des espèces pathogènes et fait barrière au développement de germes indésirables. Cette carte d’identité microbienne, propre à chaque individu, se retrouve continuellement influencée par divers facteurs tels que l’âge, le mode de vie, l’alimentation et l’environnement. Selon les régions du corps, le degré de pilosité ainsi que le nombre de glandes sébacées et sudoripares, une variation microbienne quantitative et qualitative est détectable. De ce fait, et sur une peau saine un équilibre permanent entre une flore résidente commensale et une flore transitoire saprophyte subsiste. Par conséquent, et dans cette optique les micro-organismes : vrais alliés ou ennemis du capital beauté ?
Pendant des années, les chercheurs se sont penchés sur le “Gut-Brain-Skin” Axis et se sont principalement intéressés au microbiote intestinal dont le dérèglement entraîne des pathologies cutanées par le biais de réactions inflammatoires. En effet, un tiers des patients souffrant de la maladie de Crohn souffrent de lésions psoriasiques et des cas d’infection par Helicobacter pylori ont été associés à la rosacée. De nos jours, le microbiote cutané prend de plus en plus le devant de la scène surtout dans l’industrie des dermo-cosmétiques. Avec l’essor de la biologie moléculaire et le séquençage des ADN/ARN, le terme « microbiote » qui se réduisait « à une simple étude microscopique de l’ensemble des micro-organismes vivants dans un environnement » se retrouve progressivement remplacé par le terme « microbiome » définit comme étant l’étude détaillée du génome de ces micro-organismes. A ce jour, plus de 500 espèces bactériennes pouvant exprimer plus de 2 millions de gènes ont été identifiées. Un patrimoine génétique vaste mais caractéristique.
Le microbiome cutané évolue principalement à chaque grand changement hormonal de la vie. Trois moments clés à retenir : la naissance, la puberté et la ménopause/andropause. A la naissance, le microbiome est différent selon si l’accouchement se fait par voie vaginale ou par césarienne. Stérile dans le placenta, la colonisation de la peau par les microbes débute au moment du passage vers l’environnement extérieur. L’accouchement par voie basse transmet au bébé des bactéries de la flore vaginale voire intestinale telles que des Lactobacilles. L’accouchement par césarienne quant à lui transfère plus particulièrement des bactéries de la flore cutanée comme les Staphylocoques. Ainsi les enfants nés par césarienne présentent un risque plus élevé de développer un eczéma au cours de leur vie dû à la surexpression du Staphylocoque doré, bactérie majeure associée aux poussées inflammatoires chez les patients atteints de dermatite atopique. Ensuite à la puberté et sous l’influence des hormones sexuelles, l’augmentation physiologique des sécrétions sébacées et de la sueur modifient considérablement le microbiome cutané, le rendant plus propice à la prolifération de Cutibacterium acnes surtout en période de stress ! Finalement à la ménopause, ce bouclier de défense naturelle se trouve fragilisé d’où l’intérêt de le préserver. Dernièrement, le laboratoire du Dr. Rob Knight aux Etats-Unis a mis en place un outil prédictif, basé sur l’intelligence artificielle, prouvant que l’étude précise de la cartographie cutanée de chacun fournissait la meilleure prédiction de l’âge, avec une justesse d’estimation avoisinant les 3,8 ans pour le microbiome cutané, 4,5 ans pour le microbiome buccal et 11,5 ans pour un le microbiote intestinal.
Récemment, une étude menée sur 200 femmes dont 100 qui vivent en zone polluée versus 100 en zone peu polluée a montré que l’exposition chronique à la pollution et aux particules fines provoquaient une sélection microbienne. Donc la pollution et la vie urbaine, combinée aux UV, affecteraient la diversité du microbiome. L’homéostasie rompue, cet écosystème devient alors plus opportun à des infections et maladies. En pleine expansion, une cosmétique de demain toujours plus prédictive et individualisée, organisée non plus par type de peau, mais par profil de microbiote. Avec plus de 2.35 milliards de dollars consacrés à la R&D dans le domaine de la microbiologie, le microbiome 2.0 offre de nouvelles pistes innovantes pour les laboratoires cosmétiques.
James ODEIMI
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