Le vieillissement est une altération progressive de nos capacités physiologiques qui conduit à une vulnérabilité accrue à de nombreuses maladies. Par exemple la neurodégénérescence, les maladies cardiovasculaires, mais également les infections, comme en atteste la pandémie récente dont les formes les plus graves de COVID-19 touchent principalement les personnes âgées. La science ainsi que les avancées dans le domaine médical ont permis d’allonger l’espérance de vie. Cependant, l’espérance de vie en bonne santé n’augmente pas.
Les noyaux de nos cellules renferment les chromosomes qui sont les supports du patrimoine génétique de chaque être vivant. Au bout des chromosomes, il y a des séquences d’ADN répétitives ne contenant pas de gènes : ce sont les télomères. Chaque fois qu’une cellule entre en division, les chromosomes sont raccourcis et lorsqu’ils atteignent une taille limite, la cellule arrête définitivement de proliférer. Ainsi, nous attribuons aux télomères une implication, comme horloge biologique, dans le vieillissement des cellules. Il existe une enzyme, la télomérase, présente chez les eucaryotes, qui permet de conserver la longueur du chromosome en l’habillant de télomères. Cependant, elle s’exprime très peu dans les cellules différenciées. En revanche, elle est très active dans les lignées germinales et prévient donc le vieillissement des cellules souches.
Les chercheurs parlent de cellules « sénescentes » lorsqu’au bout d’un certain nombre de divisions, les cellules finissent par ne plus se reproduire et meurent. Dans les années 1960, L. Hayflick suggère un lien entre le vieillissement des cellules « sénescentes » et le nombre de divisions cellulaires. Typiquement, les fibroblastes humains prolifèrent en culture durant 40 à 60 générations avant d’entrer en sénescence. Ainsi il existe une horloge biologique au sein de chaque cellule qui décompte le nombre de divisions cellulaires. Les études des dix dernières années montrent que l’âge de la cellule peut être mesuré par la perte de l’ADN télomérique localisé aux extrémités chromosomiques. Cette théorie du vieillissement suggère que les télomères, tout au long de notre vie, en protégeant nos chromosomes se raccourcissent. L’Homme se met à vieillir plus vite et à développer des maladies. Ainsi, les télomères les plus courts sont retrouvés chez les octogénaires avec 4000 à 6000 paires de bases, tandis que chez les nouveau-nés, la longueur des télomères oscille entre 8000 à 12000 paires de bases.
La sénescence cellulaire peut être entraînée par le stress oxydant. Nous pouvons noter que le raccourcissement des télomères et le stress oxydant sont des phénomènes couplés. Ce qui suggère que les voies qui régulent la longévité sont interconnectées. Par exemple, le p53 est un facteur de transcription régulant de multiples fonctions cellulaires importantes. Ainsi la voie p53 est connectée à l’épigénome, au métabolisme, à l’inflammation, à l’autophagie et au rythme circadien. En effet, l’horloge circadienne se dérègle au cours du vieillissement. Par exemple, chez les animaux vieillissants, la restauration d’une horloge biologique circadienne fonctionnelle améliore l’espérance de vie.
D’autre part, chez la levure et chez les mammifères, la protéine télomérique RAP1 régule directement l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme. Il a été également démontré que le raccourcissement des télomères chez des souris dont le gène codant la télomérase est inactif induit une répression de sept sirtuines, une classe d’enzyme. Ce sont des histones désacétylases NAD dépendantes que nous retrouvons dans le tissu hépatique. Cette répression s’accompagne d’une hyperacétylation de leurs cibles. Cette répression des sirtuines, induite par le raccourcissement des télomères, dépend de p53 et est réversible. En effet, la réintroduction de la télomérase dans le foie des souris ayant des télomères courts, normalise le niveau d’expression de ces protéines. Par ailleurs, les cellules sénescentes présentent des capacités pro-inflammatoires en sécrétant un ensemble de cytokines et chimiokines qui entraînent une détérioration tissulaire ainsi qu’un mauvais fonctionnement des cellules souches. L’accumulation de ces molécules pro-inflammatoires est caractéristique de nombreuses maladies telles que la neurodégénérescence ou l’arthrose.
Les différentes caractéristiques du vieillissement sont finalement interconnectées et inter-régulées entre elles via les horloges biologiques. Il apparaît donc que le raccourcissement télomérique programmé au cours du développement agit en amont, en interconnectant directement ou indirectement plusieurs régulateurs de la longévité. Enfin, le rôle de la télomérase dans le processus de vieillissement et de cancérogenèse pourrait offrir différentes opportunités thérapeutiques contre des pathologies comme le cancer.
Ainsi, la thématique de l’espérance en « bonne santé” est une interrogation des sociétés contemporaines et représente une perspective de recherche scientifique et médicale.
Manel Si smail
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