Avec pour ambition de répondre à la pénurie de greffons, le Japon autorise les premières expériences sur les embryons humains-animaux. D’après la revue Nature, le gouvernement japonais est le premier au monde à autoriser la création d’embryons animaux contenant des cellules humaines. Une nouvelle qui en enthousiasme certains et en effraie d’autres. Et pour cause, cette technique, interdite en France, soulève de nombreuses questions éthiques.
Le ministère japonais chargé de la science et des technologies a, le 24 juillet dernier, autorisé une étude visant à permettre le développement d’un pancréas chez des rongeurs grâce à l’utilisation de cellules souches humaines. Celle-ci, sous la direction de Hiromitsu Nakauchi, généticien de l’université de Sanford, a pour ambition de pouvoir produire un pancréas utilisable pour la greffe. Cette autorisation va permettre de faire avancer grandement les recherches. En effet jusqu’à présent, les chercheurs avaient pour obligation de détruire au bout de quatorze jours les embryons dans lesquels avaient été introduites des cellules humaines.
Les cellules humaines utilisées sont des cellules différenciées reprogrammées afin de pouvoir se différencier en n’importe quel type cellulaire, ce sont des cellules dites iPS (pluripotentes induites). Le protocole prévoit de les introduire dans un ovocyte fécondé. Cet ovocyte sera ensuite transplanté dans l’utérus d’une femelle génétiquement modifiée afin que la production physiologique de l’organe souhaité soit bloquée. C’est alors chez l’embryon, porté par cette femelle, que se développe l’organe différencié. Il est produit à partir de cellules souches humaines à la place de celui produit naturellement par l’espèce. Deux populations de cellules génétiquement distinctes coexisteraient ainsi chez les animaux obtenus.
L’objectif est thérapeutique. De ce fait, alors qu’au début de l’étude les animaux utilisés seront des souris ou des rats, les manipulations devront être réalisées chez le porc dont la taille pourrait davantage convenir au développement d’un organe humain. Effectivement, bien que celle semble encore utopique, le projet serait de produire en illimité, ou presque, des organes humains pouvant être transplantés et cela sans se limiter au pancréas. Plus impressionnant encore, les organes pourraient, en utilisant les cellules du patient entre autres, être développés sur mesure ce qui permettrait de réduire voire de supprimer la nécessité de prise de traitements immunosuppresseurs.
Le projet pose néanmoins de nombreux problèmes éthiques. Entre autres, une équipe de CHU de Montpellier en a soulevé un certain nombre dans un article publié dans la revue Stem Cell Research & Therapy en 2016. Rodolphe Bourret, John De Vos et leurs collègues y soulignent notamment le risque lié à la dissémination des cellules humaines dans le système nerveux central de l’animal. En effet, ces cellules étant pluripotentes, elles pourraient se différencier en cellules neuronales et pourraient altérer la cognition de l’animal. Le risque étant de voir se développer chez celui-ci une forme de pensée ou conscience ressemblant à celle de l’être humain. L’apparition de signes extérieurs comme des mains ou la production chez ces animaux de gamètes humains figurent parmi les craintes évoquées par les auteurs. Cependant, les chercheurs japonais ont annoncé qu’au-dessus de 30 pour-cents de cellules humaines détectées dans le cerveau des animaux transplantés, ils mettraient un terme à l’étude.
Ainsi, bien que cette nouvelle avancée soulève de nombreux problèmes éthiques, elle semble être un nouvel espoir dans ce contexte de pénurie mondiale de donneurs d’organes.
Clara Labrousse
Sources :
« Le Japon autorise les premières expériences sur les embryons humain-animal ». Trust My Science, Boisson Thomas, 30 juillet 2019.
« Le Japon autorise des embryons animaux-¬humains ». Le Monde, août 2019.
« Le Japon Prépare Les Premières Expériences Sur Des Embryons Humains-Animaux ». UniverSmartphone (blog), 2 août 2019.
« PREMIERE. Des organes humains cultivés dans des embryons animaux ». Sciences Avenir, 31 juillet 2019.
« Quatre questions sur les embryons hybrides humains-animaux désormais autorisés au Japon ». 2 août 2019