Les derniers chiffres viennent de tomber : l’an dernier, 72 000 américains ont succombé à une overdose, soit 5 000 de plus qu’en 2016. C’est plus que le nombre de morts liés aux armes à feu aux USA, aux accidents de la route ou encore que le nombre de décès lors du pic de l’épidémie du SIDA (environ 45 000). Cela correspond aussi à 6 nourrissons sur 1000 qui naissent en présentant des signes d’addiction.
Ces chiffres colossaux s’expliquent par l’addiction de près de deux millions d’américains aux opiacés. Ce que l’on nomme « la crise des opioïdes », a débuté en 2010. Aux États-Unis, les médecins ont largement prescrit des opiacés comme antidouleurs sur de longues périodes, faisant ainsi entrer leurs patients dans l’addiction.
En France, les opiacés de pallier III (Oxycodone, Morphine…) sont réservés à la prise en charge des douleurs extrêmes, telles que les douleurs d’origine cancéreuses. Contrairement aux États-Unis, en France, les laboratoires ont une interdiction formelle de faire la publicité des antidouleurs auprès du grand public, limitant ainsi la pression des patients et des laboratoires sur les prescripteurs. A contrario, aux États-Unis, il est devenu courant de prescrire un opiacé suite à une douleur dentaire ou à une entorse. Mal encadrés, les patients s’accoutument et augmentent d’eux même leur posologie, jusqu’au point où le médecin refusent de prescrire, les encourageant ainsi à se tourner vers le marché parallèle pour assouvir leur addiction. Ils y trouvent de la morphine ou du fentanyl (50 fois plus puissant que l’héroïne, 100 fois plus que la morphine) pour à peine 20 dollars la dose.
En 2016, l’espérance de vie à la naissance était de 78,6 ans, contre 78,7 en 2015 et 78,8 l’année précédente. Pour la seconde année consécutive donc, l’espérance de vie a diminué aux États-Unis, ce qui est une première depuis un demi-siècle. Selon le CDC, cette baisse de quelques mois est en grande partie attribuable au nombre croissant de morts par overdose. La situation est telle que Donald Trump a décrété qu’il s’agissait d’une urgence de santé publique il y a quelques mois, permettant ainsi de donner des moyens supplémentaires à la gestion de la crise.
Pour tenter de lutter contre ce phénomène, l’État s’apprête à débloquer des fonds, mais les spécialistes s’accordent à dire que la note s’élèverait à plusieurs milliards de dollars rien que pour pouvoir admettre les patients en centre de désintoxication indépendamment de leur capacité à payer. En parallèle, les États tentent de riposter en portant plainte contre les laboratoires. C’est notamment le cas de Philadelphie ou encore de l’Etat de New York, qui reprochent aux grandes firmes telles que Johnson&Johnson ou encore le génériqueur israélien Teva de ne pas avoir assez informé le public sur le potentiel addictif de leurs produits. La justice a été saisie et plusieurs procès devraient voir le jour.
Une chose est certaine, cette crise est malheureusement loin d’être terminée et demandera du temps et des moyens pour être endiguée.
Sources : Le Monde, AFP
Par Maëva Briançon