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Le temps c’est du traitement

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Il passe, on n’en a jamais assez alors que d’autres en perdent, on l’utilise plus ou moins à bon escient, il s’agit bien-sûr du temps. Déjà Saint Augustin se demandait « qu’est donc le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veux l’expliquer, je ne le sais plus ». Intéressons-nous à la façon dont la biologie conjugue la notion temporelle à travers des exemples concrets. Prenons le temps de découvrir la chronobiologie et ses applications chronothérapeutiques.

Un coup de projecteur certain fut donné en 2017 à la chronobiologie avec l’attribution du prix Nobel de physiologie et médecine à trois chercheurs américains « pour leurs découvertes des mécanismes moléculaires contrôlant le rythme circadien ». Afin que chacun puisse voir midi à sa porte, il convient dans un premier temps de s’accorder sur le lexique. La chronobiologie est l’étude des rythmes biologiques régissant les organismes vivants. Une part importante de celle-ci est centrée sur l’étude du rythme principal représenté par le rythme circadien, il est entendu comme un cycle avec une périodicité de 24 heures. Ce cycle régit une grande diversité de fonctions biologiques. On pourra citer comme célèbre exemple : les sécrétions de cortisol connaissant une variation circadienne avec une acrophase ou pic à 8 heures du matin. A contrario la mélatonine verra sa production augmenter en fin de journée progressant jusque dans la nuit aux alentours de 3 heures du matin puis régressant.

On distingue un stimulateur central représenté par les noyaux suprachiasmatiques au sein de l’hypothalamus agissant essentiellement en fonction de la lumière. Fait intéressant, en plus de ce centre stimulateur central, les recherches dans ce domaine ont démontré l’existence d’horloges « périphériques », c’est-à-dire échappant en tout ou en partie au pilotage systémique. Concrètement, les chercheurs ont mis en évidence des rouages circadiens intrinsèques dans des entités allant de l’organe isolé comme la rate jusqu’à la cellule comme le macrophage en passant par des structures complexes telles que les ganglions. Le mécanisme fondamental permettant l’existence d’un cycle circadien se trouve à l’échelle cellulaire par des boucles de rétroaction transcriptionnelles et traductionnelles sous contrôle de « gènes horloges » contrôlant eux-mêmes d’autres gènes.

En plus de battre notre propre mesure, la chronobiologie peut être utilisée voir détournée dans le cadre de prises en charge thérapeutiques. C’est ce que l’on appelle la chronothérapeutique, ou en termes moins savants la nécessaire prise en compte du moment d’administration des médicaments. Par-delà les exemples cités précédemment, il existe une immunologie circadienne, se matérialisant par un contrôle circadien de l’immunité. Illustration peut en être faite avec la fluctuation rythmique des cellules immunitaires dans le torrent circulatoire au cours d’une journée. Cela s’avère aussi être applicable à la prolifération des lymphocytes dépendante de l’heure. C’est ainsi que dès 1960, Franz Halberg parmi les fondateurs de la chronobiologie a mis en évidence la variation de la mortalité d’un choc endotoxique (dû à l’injection d’endotoxine : lipide A du LPS) chez la souris en fonction de l’heure d’injection avec une dépendance très forte. Plus proche de nous c’est l’heure d’injection des vaccins (vaccin inactivé contre le SRAS-CoV-2) qui a été étudiée, on apprend ainsi qu’une vaccination le matin permet une production deux fois supérieure d’anticorps neutralisants. Cette meilleure efficacité vaccinale matinale a aussi été observée pour le vaccin antigrippal.

La chronopharmacologie particulièrement anticancéreuse étudie l’effet des rythmes biologiques sur l’action des médicaments avec pour maître mot : l’optimisation. Optimisation avec comme seule variable l’heure d’administration. Sont fréquemment observées une potentialisation de l’efficacité et une augmentation de la tolérance. C’est ainsi que des patients atteints de cancers digestifs traités par fluorouracile se voient perfusés la nuit vers 4 heures du matin, ce qui permet de baisser la toxicité de cinq fois par comparaison avec une administration à 16 heures.

En espérant vous avoir convaincu de la pertinence de la prise en compte du facteur temps en santé. Pour ne conclure que sur la chronopharmacologie, ce domaine bénéficie de nombreux essais cliniques afin d’affiner la prise en charge à moindre coût par l’optimisation des heures et rythmes d’administration.

                                                                                                                             Romain PIMENTINHA

Sources :