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Le cancer périphérique

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Cet article aurait pu s’intituler “au voisinage du cancer” tant on va s’intéresser à la périphérie de celui-ci, c’est-à-dire au microenvironnement tumoral. A la fois creuset germinatif et zone de guerre, le microenvironnement tumoral constitue un milieu d’étude, à la fois complexe et passionnant. On se propose ici d’explorer certaines de ces propriétés et les conséquences thérapeutiques en découlant.

Partant du principe que tout objet complexe, qui plus est vivant et doté de propriétés malignes, ne peut être complètement compris que dans son contexte, définissons le microenvironnement tumoral. Il est entendu comme l’ensemble des éléments qui entourent une tumeur, regroupant la matrice extracellulaire et des cellules dont on distingue l’effectif immunitaire des autres types cellulaires. L’ensemble de ces éléments est partie prenante de la maladie de par ces interactions, tantôt favorisant son expansion, tantôt régulant celle-ci. Le microenvironnement tumoral est alors capable du meilleur comme du pire.

L’illustration du pire peut être faite avec un environnement faisant le lit d’une cancérisation, comme c’est le cas lors d’une inflammation chronique. Celle-ci est par exemple obtenue avec une infection par Helicobacter pylori ciblant l’estomac. L’inflammation chronique est caractérisée par une forte production de cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL6, TNF alpha), ainsi qu’une augmentation de la perméabilité vasculaire et enfin une néovascularisation. L’ensemble de ces évènements propices à l’émergence cancéreuse, illustrent l’image de creuset germinatif faisant ainsi le lit de cancer de l’estomac. Enfin, le meilleur est obtenu du microenvironnement, quand se déroule en son sein un affrontement immunitaire permettant dans certains cas le contrôle de la tumeur. L’importance de l’immunité est attestée par la mise en place d’une création française, l’Immunoscore®. L’Immunoscore® est notamment constitué du dénombrement des lymphocytes T totaux ainsi que des lymphocytes tueurs (CD8+ cytotoxiques) dans le microenvironnement. Un score élevé, correspondant à un nombre de cellules immunitaires conséquent, constitue un facteur pronostic très intéressant en pratique, associé à une meilleure survie indépendamment de toute autre considération telle que le stade du cancer. Enfin, dans le microenvironnement sont visualisables des structures lymphoïdes tertiaires, où les cellules immunitaires s’agencent en « pseudo ganglions », permettant de produire une réponse immunitaire antitumorale coordonnée.  Un nombre important de ce type de structure est lui aussi associé à un bon pronostic.

Après avoir saisi, à travers ces exemples, le rôle clé du microenvironnement en processus pathologique, on peut se pencher sur sa nécessaire prise en compte en thérapeutique. Dans la prise en charge des tumeurs, l’immunothérapie à base d’anticorps monoclonaux est prometteuse. L’avantage principal de leur utilisation est leur plus grand ciblage provoquant moins d’effets indésirables. Cependant, on observe en clinique des toxicités importantes dues à des fixations sur une cible extra tumorale. En effet, trouver une cible parfaitement spécifique de la tumeur revient souvent à chercher la quadrature du cercle. Fort de ce constat, des améliorations sont obtenues avec des stratégies prenant en compte le micro-environnement. Premier exemple, une stratégie qu’on pourrait résumer par « le masque et le paratope », où le mécanisme sous-jacent peut être comparé à celui d’une prodrogue. Partant de la connaissance de l’enrichissement en protéases aux abords des tumeurs, on administre au patient un anticorps avec un « masque » comprenant un peptide bloquant le paratope qui sera dégradé par des enzymes spécifiques identifiées dans le micro-environnement. D’autres paramètres tels que le pH ou l’hypoxie font l’objet d’études pour permettre un ciblage plus spécifique.

Pour conclure, la lutte contre le cancer nécessite une bonne connaissance de son micro-environnement, permettant sa plus juste compréhension et l’établissement de stratégies optimisées.


                                                                                                                              Romain PIMENTINHA

Sources :