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Les excipients utilisés pour les médicaments sont-ils réellement biologiquement actifs ?

C’est sur cette question que les chercheurs de l’équipe de Joshua Pottel se sont penchés et ont donc lancé des recherches afin d’examiner des milliers d’ingrédients dit de «remplissage» que l’on pensait auparavant inertes et qui sont couramment ajoutés aux médicaments. Les résultats révèlent que plusieurs dizaines de ces composés peuvent en fait être biologiquement actifs et provoquer des effets physiologiques involontaires ou du moins non contrôlés.

La plupart des médicaments pharmaceutiques contiennent un certain nombre de composés servants à des fins diverses, allant du simple gonflement de la minuscule molécule active afin qu’elle puisse être transformée en pilule, à différents liants ou revêtements qui peuvent améliorer le potentiel thérapeutique. Ces composés supplémentaires ajoutés à un médicament sont appelés excipients, et ils sont généralement considérés comme des composés inertes, biologiquement inactifs, sur la base d’études antérieures de toxicité animale.

Pour combler cette lacune dans les connaissances, les chercheurs ont criblé de façon systématique plus de 3 000 excipients. La première étape consistait en une vaste évaluation du potentiel des molécules d’excipient à interagir avec les protéines humaines. Cela a permis aux chercheurs d’identifier les excipients les plus susceptibles d’interagir avec les protéines humaines, puis de tester expérimentalement ces molécules dans des conditions de laboratoire.

Les résultats se sont concentrés sur 38 molécules d’excipient qui ont montré des interactions avec 134 enzymes ou récepteurs humains. L’auteur principal de la nouvelle étude, affirme que la puissance de certains de ces excipients était inattendue et qu’elle pourrait hypothétiquement expliquer la variété des réponses physiologiques observées chez différents patients prenant le même médicament. On y retrouve notamment des composés comme de nombreux colorants notamment FD&C Red No.3, des surfactants comme le docusate de sodium, du propylparaben qui est un conservateur et encore bien d’autres.

« Notre étude visait à développer des preuves anecdotiques selon lesquelles les excipients peuvent être les coupables d’effets physiologiques inattendus observés dans certaines formulations de médicaments », déclare Pottel. « Il n’était pas si surprenant de trouver de nouvelles propriétés de composés sous-étudiés qui ont été reconnus comme « inactifs » pendant des décennies, mais il était surprenant de voir à quel point certaines de ces molécules sont puissantes, en particulier compte tenu des quantités assez élevées parfois utilisées dans les médicaments typiques pour les formulations. »

Il est important de souligner que la recherche ne prétend pas que ces excipients aient un réel effet sur la santé humaine. Des études complémentaires seront nécessaires pour comprendre si ces interactions moléculaires signalées entraînent des effets physiologiques négatifs chez l’homme. Mais, les chercheurs suggèrent que, dans de nombreux cas, ces excipients biologiquement actifs pourraient être facilement remplacés par des équivalents inactifs.

Ces données illustrent que si de nombreuses molécules d’excipient sont en fait inertes, un bon nombre peut avoir des effets jusqu’alors méconnus sur les protéines humaines connues pour jouer un rôle important dans la santé et la maladie. Il faudra donc être vigilant à l’avenir lors de l’utilisation de ces composés.

 

Capucine Lambert

Sources: 

The activities of drug inactive ingredients on biological targets

Joshua Pottel1, Duncan Armstrong2, Ling Zou3, Alexander Fekete2, Xi-Ping Huang4, Hayarpi Torosyan1, Dallas Bednarczyk5, Steven Whitebread2, Barun Bhhatarai5, Guiqing Liang5, Hong Jin2,S. Nassir Ghaemi6,7,8, Samuel Slocum4, Katalin V. Lukacs9, John J. Irwin1, Ellen L. Berg10, Kathleen M. Giacomini3, Bryan L. Roth4, Brian K. Shoichet1*, Laszlo Urban2*

New Atlas : filler ingredients- active excipients